« Nous sommes un fond d’investissement de 6M$ constitué par des entrepreneurs »

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« Nous sommes un fond d’investissement de 6M$ constitué par des entrepreneurs »

Une interview de Carlos Diaz, Co-fondateur de The Refiners.

Rien ne me prédestinait à devenir entrepreneur. J’ai fait des études de littérature à Limoges avant de devenir professeur. Cependant, en 1996, j’ai créé avec mon frère une agence digitale, Emakina – côtée depuis le 7 juillet 2006 sur Alternext Brussels – qui s’occupe des stratégies digitales pour de grandes marques. En 2006, j’ai créé blueKiwi Software avec Christophe Routhieau, startup qui nous a permis de devenir l’un des premiers éditeurs en Saas en mettant en place des réseaux sociaux d’entreprises pour favoriser la conversation au sein des grandes organisations.

Mon projet actuel c’est The Refiners. L’idée c’est de s’inspirer des modèles israélien et indien très bien organisés afin de rassembler et créer une communauté avec des entrepreneurs internationaux et notamment des entrepreneurs américains comme Phil Libin, Reid Hoffman, Joi Ito…

En quoi consiste The Refiners ?

Nous avons beaucoup travaillé sur notre différence avec les autres. Le modèle que nous préconisons c’est le modèle « cross-border ». Cela ne consiste pas à pousser les entrepreneurs à quitter la France mais à leur expliquer que s’ils restent en France, ils vont créer une startup « ponycorn » soit une entreprise vouée à ne pas se développer.

Le modèle « cross-border » qu’est-ce que c’est ? C’est avoir une jambe en France et une jambe dans la Silicon Valley. Il faut, dès le premier jour, être en Europe et dans la Silicon Valley. C’est très difficile car cela implique une organisation, une répartition des tâches, le management d’une double culture et c’est sur cela que nous travaillons.

Notre objectif est de vous apprendre à devenir « cross-borders », à grandir avec les deux jambes en même temps de part et d’autre de l’Atlantique. Si vous y arrivez, vous ne ferez pas une « ponycorn », vous aurez un avantage sur les startups de la Silicon Valley parce que vous n’aurez aucune limite sur les capacités, les ressources technologiques. Il est donc important aujourd’hui de dessiner une troisième voie : la voie « cross-border ».

Quel est votre « business model » ?

Nous sommes un fond d’investissement de 6M$ constitué par des entrepreneurs. A chaque fois que nous accélérons une startup nous investissons 50 000$ dans celle-ci et nous prenons un peu d’« equity » dans cette startup. Par conséquent, notre modèle économique repose sur le retour sur investissement.

Nous avons également une activité de consulting pour des grands comptes qui veulent travailler avec des startups. A la différence des fonds d’investissement classiques nous n’investissons pas seulement notre argent. En effet, nous investissons notre temps, notre réseau et ce sont les parts que nous possédons dans ces startups qui vont nous permettre de gagner de l’argent.

Quelle est la culture de The Refiners ?

Nous avons un ADN d’entrepreneur, The Refiners est avant tout une communauté.

J’ai créé cette entreprise avec Pierre Gaubil et Géraldine Le Meur. Nous sommes simplement les opérateurs du projet. Derrière, il y a une centaine d’entrepreneurs internationaux de la Silicon Valley.

La dimension communautaire est très importante : investir dans les startups étrangères, « foreign founders » ; autrement dit dans les startups qui ne sont pas dans la Silicon Valley, les rassembler et les aider à réussir.

La dimension internationale est également un point important dans l’esprit de The Refiners : nous ne sommes pas un groupe d’une même nationalité.

Nous sommes vraiment en plein cœur des startups, dans ce qu’elles peuvent vivre au quotidien. Nous prenons des parts dans les startups et nous avons intérêt à ce qu’elles réussissent.

Qu’est-ce qui vous a poussé à venir vous implanter aux Etats-Unis ?

Je ne me suis pas implanté aux Etats-Unis mais dans la Silicon Valley.
Avant d’être aux Etats-Unis, la Silicon Valley c’est la capitale mondiale de la « tech » et les gens qui habitent ici viennent du monde entier. Pour un entrepreneur du digital, San Francisco ou la baie c’est le graal. Quand vous avez l’occasion d’y aller, vous ne vous posez même pas la question : vous y allez parce que c’est une forme d’accomplissement, c’est là-bas que ça se passe.

Ce que je dis souvent aux entrepreneurs c’est qu’il ne faut pas venir ici en pensant que c’est plus facile car, en réalité, c’est plus compliqué. Cependant, c’est une opportunité difficile – pour ne pas dire impossible – à refuser.

Je n’ai pas décidé de venir dans la Silicon Valley mais l’opportunité s’est présentée à moi. J’aurai pu rester en France et être le roi de l’Internet à Paris mais cela ne m’intéressait pas. Je suis sorti de ma zone de confort. J’avais réussi deux startups en France et tout allait pour le mieux. Cependant, je suis parti dans la Silicon Valley et je ne regrette absolument rien. Même si ce n’est pas facile tous les jours, j’ai appris, au cours de ces 6 dernières années, énormément des choses sur mon métier et sur mon industrie que je ne soupçonnais pas.

Auriez-vous un conseil à donner à ceux qui aimeraient s’implanter aux Etats-Unis ?

Il faut oublier le modèle de pensée qu’on a pu nous imposer en Europe.  Ayant toujours été un entrepreneur plutôt successful, je n’ai pas compris pourquoi ça ne fonctionnait pas quand je suis arrivé dans la Silicon Valley. J’étais spectateur et non acteur. S’en est suivie une phase de « dépression », constatant que je n’avais pas ma place ici.

En fait, ce dont on se rend compte et cela prend du temps c’est qu’il faut revoir du tout au tout sa mentalité et comprendre cet écosystème particulier propre à la Silicon Valley.

Le conseil que je donne souvent aux entrepreneurs est le suivant : imaginez que vous sortez de l’école, vous devez vous constituer un réseau. Quand vous arrivez dans la Silicon Valley c’est comme si vous êtiez un jeune diplômé car les gens que vous connaissez à Paris ne vous seront d’aucune utilité. Toute l’expérience que vous avez acquise en France ou en Europe ne vous sera pas utile ici. Il faut repartir de zéro, avoir cet esprit très ouvert, être capable de se reconstruire – ce qui demande beaucoup d’humilité – et de réapprendre la vision. Les entrepreneurs qui viennent dans la Silicon Valley ne viennent pas pour gagner de l’argent ; ils viennent pour changer le monde, pour changer le statu quo. Si vous venez dans l’optique de gagner des clients américains, d’améliorer votre produit alors ne venez pas dans la Silicon Valley où les entrepreneurs sont motivés par un seul et unique objectif : inventer le futur.

Qu’est-ce qui vous plaît aux Etats-Unis ?

J’aime beaucoup la mentalité américaine.

En France, je passais mon temps à justifier d’où je venais. Ce qui est formidable aux Etats-Unis c’est que vous n’êtes pas définis par ce que vous êtes mais bel et bien par ce que vous faites. C’est très bien pensé en ce sens que cela donne beaucoup plus de chance à tout le monde. Peu importe d’où vous venez l’important c’est ce que vous êtes en train de faire : votre projet a-t-il du sens ? Apporte-t-il vraiment quelque chose à autrui ?

Tout le monde a un projet dans la Silicon Valley : en montant dans un uber, le chauffeur t’explique qu’il a un projet de startup ; en allant chez le coiffeur, on te parle de la dernière acquisition de Facebook.

Cette mentalité ultra-positive d’aller toujours de l’avant, d’avoir un projet et de ne pas définir les gens par rapport à ce qu’ils sont est très plaisante.

J’ai l’impression ici d’être au cœur du réacteur du digital. Je suis entouré de gens super talentueux et ça me motive énormément. Je me sens très chanceux de vivre au milieu de ces gens-là qui m’inspirent tous les jours.

Quelle est votre ville préférée aux Etats-Unis ?

San Francisco !

Avez-vous une adresse coup de cœur à San Francisco que vous aimeriez partager avec nous ?

Le musée de la Légion d’honneur au milieu du parc du Golden Gate, sa vue imprenable sur la baie et les expositions incroyables qu’il offre.

Plus généralement, San Francisco est un lieu magique. Il y a un climat, une géographie très particulière faite de hauteurs et de nuages qui donnent l’impression d’être dans le ciel. C’est bien loin d’être une ville étouffante, la nature y est très présente.

Si vous rencontriez le Président des Etats-Unis, que lui diriez-vous ?

Je lui dirai merci car je pense qu’il a redéfini complètement ce qu’est la fonction présidentielle. Il fait preuve d’une modernité, d’une force de travail, d’une humilité incroyable. C’est un homme qui s’intéresse aux autres, qui ne nourrit pas une ambition personnelle.

Souhaitez-vous faire apparaître une information supplémentaire dans l’interview ?

Il est important de comprendre que les entrepreneurs français qui s’installent aux Etats-Unis sont des ambassadeurs.

Par conséquent, il faut que nous agissions comme des représentants de notre culture et nous avons le devoir de montrer aux Etats-Unis que la culture française est riche de son passé mais qu’elle sait aussi s’adapter et faire preuve d’un certain modernisme.

Nous sommes des ambassadeurs regardés depuis la France que ce soit par notre famille, nos amis ou plus généralement par la société. Nous avons donc une grande responsabilité, celle de montrer aux Français que si nous sommes partis aux Etats-Unis ce n’est pas parce que nous n’aimions pas notre pays ni non plus pour nous exiler fiscalement. Nous sommes partis car nous avions l’envie et l’ambition de réussir.

Plus il y aura de français qui réussissent à l’étranger et mieux ce sera pour le rayonnement de la France à l’international.

Aux Etats-Unis, nous ne sommes pas obligés de réussir contrairement à la France. En revanche, nous avons le devoir d’essayer, de s’investir et de participer à ce qui est en train de se passer.
Ce n’est pas grave si vous allez dans la Silicon Valley et que vous ne réussissez pas parce qu’en essayant vous allez apprendre des choses incroyables. De plus, tout ce que vous avez appris ici vous pourrez le ramener en France. Comme je l’ai dit précédemment ce n’est pas facile de réussir ici.

Dans le domaine du digital, les « Jeux Olympiques » ont lieu toute l’année dans la Silicon Valley. Ce n’est pas grave si vous ne revenez pas avec la médaille d’or. Cependant, ce serait très surprenant que la France ne participe pas aux JO.

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